Les organisations structurées, c’est-à-dire l’essentiel des entreprises, se confortent à s’organiser en silos qui permettent à chaque individu de comprendre son positionnement vis-à-vis de sa hiérarchie et de ses collègues. Cela semble très pratique et efficace sur le papier, et en effet dans un univers stable où les cycles de décision peuvent durer, ce modèle peut fonctionner sans mettre en danger l’entreprise. L’ennui, c’est que dans le monde d’aujourd’hui où la disruption permanente et l’agilité sont les maîtres mots des organisations performantes, le principe rassurant des silos devient totalement inefficient. Il est fort à parier que celles qui ne se remettent pas en question sur ce sujet finissent par s’en mordre les doigts (avant de mordre la poussière ?). Or, ce modèle est bien ancré et les barrières entre les silos sont en général très solides et de plus en plus épaisses à mesure que l’on progresse dans la hiérarchie. En effet, quoi de plus rassurant que de fonctionner de manière taylorienne en préservant son petit périmètre sans se soucier des activités en amont et en aval du processus qui nous incombe. Sans parler des considérations politiques, d’égo et de « pouvoir par la détention de l’information » qui poussent les collaborateurs à … ne pas collaborer !
Il est néanmoins une évidence que la coopération et la fluidité des échanges entre les équipes est la clé du traitement rapide et efficace des besoins des clients et des problèmes rencontrés au sein de l’entreprise. Gérer les situations en orientant ses actions pour répondre au mieux à l’objet de l’entreprise sans penser en priorité à son égo et sa trajectoire personnelle permettrait à bien des organisations de travailler beaucoup plus efficacement. Malheureusement, cela n’est que trop rarement le cas.
Alors pourquoi les entreprises concernées (99% des entreprises ?) ne prennent pas ce sujet à bras le corps ? Cela peut s’expliquer par un manque de prise de conscience du phénomène mais surtout à la mauvaise évaluation de ses répercussions souvent désastreuses. Les décideurs eux-mêmes sont pris dans cette spirale de préservation de leur pré carré. Les modalités de gestion des carrières en est l’une des raisons : les individus sont gratifiés pour leur performance individuelle plus que par la performance collective de l’organisation. Partant de là, la logique du chacun pour soi est reine. Je vais aider et être bienveillant avec mes collègues tant que cela ne me porte pas préjudice, autrement dit : tant que je ne fais pas briller l’autre au point qu’il ne commence à me faire de l’ombre.
Dans ce contexte, que faire pour traiter cette problématique et provoquer une dynamique de coopération pour le bien de l’entreprise, et donc in fine des individus ? Quelques pistes (non exhaustives) peuvent être envisagées :
– Provoquer une prise de conscience au niveau du top management pour investir dans ce sujet en impulsant une démarche d’évolution des pratiques (pour ne pas dire « une évolution culturelle »)
– Organiser des ateliers/séminaires d’introspection transverses pour faire émerger au sein des équipes opérationnelles à la fois les irritants et les pistes de progrès envisageables
– Responsabiliser et motiver quelques acteurs clés issus des équipes opérationnelles pour piloter les évolutions en petits groupes, avec une mobilisation de ressources de l’ensemble des départements de l’entreprise
– Organiser des temps forts de partage collectifs des résultats obtenus, avec une mise en valeur des ressources impliquées sur ces sujets
– Mettre en place des outils favorisant les travaux collectifs : salles de travail adaptées aux brainstormings et ateliers de design thinking, déploiement de solutions collaboratives (Slack, Teams, Trello, …), adaptation de l’agenda des équipes et de leurs objectifs individuels, …
– Accepter que certaines initiatives puissent échouer et/ou ne pas produire les effets attendus
Ce type de démarche ne doit pas s’entendre comme un projet à fort ROI à court ou moyen terme. Il s’agit d’impulser une évolution des pratiques et donc de stimuler une culture de la coopération qui portera ses fruits d’abord au niveau de la satisfaction des équipes, et dans un second temps sur les résultats de l’entreprise grâce à un traitement plus efficace des problématiques transverses.