Script de la conversation entre Ludovic Browaeys (Ipanext) et Hervé Pénisson (RVP Conseil)
Bonjour, je suis Hervé Pénisson, Consultant indépendant, Mentor Managérial et Fondateur de RVP Conseil.
Bonjour, je suis Ludovic Browaeys, Consultant indĂ©pendant, expert en Transformation et fondateur dâIpanext.
Aujourdâhui, nous allons vous parler avec HervĂ© de Transformation. Nous allons en parler dâune façon trĂšs diffĂ©rente de ce que lâon peut entendre habituellement. Entendons-nous bien, il y a quantitĂ© de bonnes choses qui sont dites sur lâart et la maniĂšre de mener une transformation. Mais sâil suffisait de suivre une mĂ©thode ou dâĂ©couter un expert, le sujet ne susciterait pas tant de dĂ©bats et les projets de transformation auraient un taux de rĂ©ussite bien supĂ©rieur. Alors suivez-nous dans notre approche originale, en Ă©coutant lâĂ©change entre deux professionnels qui ont participĂ©, dirigĂ© et vĂ©cu de multiples transformations. (suite) La Transformation, jâen prends Ă tous mes petits-dĂ©jeuners depuis 25 ans. Selon moi, on fait beaucoup trop de bruit autour du sujet de la transformation, on le surdimensionne, on sâimagine le verre dâeau tellement grand que lâon finit par sây noyer. Mais en rĂ©alitĂ©, transformer une entreprise, câest une action continue : citez-moi une entreprise, de nâimporte quelle taille qui soit restĂ©e un an sans rĂ©flĂ©chir Ă son avenir, sans engager un seul nouveau projet ou sans changer un seul de ses outils ? Le changement, toutes les entreprises le vivent et tout le temps. Ceci dit, qui le choisit, qui le pilote ? Pour moi, câest lâun des deux mĂ©tiers du Management. Quel est lâautre me direz-vous ? Câest la gestion au mieux de lâexistant : piloter les talents de celles et ceux qui disposent du savoir-faire au quotidien et qui produisent. Pourquoi fais-je cette diffĂ©rence ? Mon vĂ©cu me dit quâil est rare pour un dirigeant, un chef de projet ou un patron de cumuler Ă la fois les talents dâun bon gestionnaire et ceux dâun bon bĂątisseur. BĂątir et gĂ©rer sont deux mĂ©tiers diffĂ©rents. Une entreprise a besoin des deux : sans gestionnaire, elle construira sur du sable et la premiĂšre crise emportera tout (cas de nombreuses PME ou TPE crĂ©Ă©es autour dâun ou plusieurs experts) ; sans bĂątisseur, sans transformateur, elle se sclĂ©rosera, ses produits et services nâintĂ©resseront plus personne (Kodak) Alors oui, la transformation est un enjeu de management. Dans le cadre de la transformation, Nous entendons souvent parler de gestion du changement. Selon moi, câest contradictoire par dĂ©finition : on ne gĂšre pas le changement, on le conçoit et on le conduit. Nuance importante. Quand on aborde un projet de transformation, la premiĂšre question Ă se poser est donc : Ă quel bĂątisseur ou bĂątisseuse vais-je le confier ? Ou Ă titre personnel, en ma qualitĂ© de manager, ma prĂ©fĂ©rence va-t-elle plutĂŽt Ă la gestion ou Ă la transformation, plutĂŽt Ă lâoptimisation ou Ă la construction ? Tu as raison HervĂ© de prĂ©ciser lâimportance de lâenjeu de choisir les bons profils pour mener Ă bien les transformations. Mais il me semble que lâapport de la mĂ©thode est tout aussi essentiel. Jâenfonce des portes ouvertes en exprimant ma fascination Ă observer les mĂȘmes erreurs qui se rĂ©pĂštent sur les projets sur lesquels je suis sollicitĂ©. La littĂ©rature est dense sur ces sujets et les bonnes pratiques sont connues de la plupart des personnes en charge de conduire ces projets. Cela nâempĂȘche que lâĂ©cart entre la thĂ©orie et la rĂ©alitĂ© est trop souvent bĂ©ant, pour de multiples raisons. La pression du marchĂ© et la rĂ©duction permanente des cycles conduisent les dirigeants et managers Ă avoir une vision trop court-termiste qui bride leur capacitĂ© Ă se donner le temps et les moyens de structurer correctement les initiatives de transformation. Je ne citerai pas ici lâensemble des bonnes pratiques fondamentales quâil convient de systĂ©matiquement mettre en Ćuvre pour maximiser les chances de succĂšs dâun projet de transformation, quel quâil soit, mais je tiens Ă insister sur 2 dâentre elles qui mĂ©ritent trĂšs souvent dâĂȘtre renforcĂ©es : Jâinvite donc nos auditeurs qui se reconnaitront Ă prendre le temps de faire un pas de cĂŽtĂ©, de prendre une respiration salvatrice afin de se poser la question de la pertinence et lâefficacitĂ© du dispositif de pilotage et dâanimation de leurs projets de transformation. En effet, il est plus facile et naturel de remettre en question lâefficacitĂ© de telle ou telle ressource que de se remettre soi-mĂȘme en question sur la pertinence de ses choix dâorganisation. En complĂ©ment de ce que tu viens de dire, que je partage, se posent souvent les questions de ârĂ©sistance au changementâ, de âdifficultĂ© Ă embarquer les gensâ, on parle de âpression sans cesse grandissanteâ ou de lâĂ©mergence de risques psychosociaux. Je crois pour ma part quâau-delĂ de la bonne ou mauvaise application de la mĂ©thode, il y a des peurs, voire des rancunes et des ambitions qui ne sâexpriment pas publiquement mais quâil faut nĂ©anmoins savoir traiter pour Ă©viter lâenlisement des projets de transformation. « Jâai peur de ne pas ĂȘtre capable », « je nâai pas envie que tu rĂ©ussisses »⊠Et lĂ se pose lâenjeu de la confiance. Sans confiance, ces sujets relationnels restent tus ou Ă©vitĂ©s et sont autant de freins Ă la rĂ©ussite des transformations. Le premier dĂ©fi est donc dâĂ©tablir une confiance Ă un niveau individuel avec les personnes pivots qui sont en stress. Le second est dâĂ©couter lâexpression de leurs ambitions ou de leurs peurs. Le troisiĂšme est de prouver quâil existe toujours une solution. Sur ce dernier point, je cite souvent cette maxime : ce nâest pas parce que câest difficile que lâon nâose pas, câest parce que lâon nâose pas que câest difficile. Pour oser, il faut avoir confiance et savoir sur quoi oser. Je vois la question pointer : nâest-ce pas dans un projet le rĂŽle de la personne en charge de la conduite du changement, RH ou projet ? Oui et non, car cette personne, quand elle existe, a la responsabilitĂ© globale du sujet mais ne peut pas toujours traiter toutes les individualitĂ©s. De plus, je crois quâelle peut ĂȘtre jugĂ©e trop proche des intĂ©rĂȘts dâun sponsor pour susciter la confiance nĂ©cessaire Ă titre individuel. Câest juste humain. Alors, rappelez-vous que les mentors professionnels, consultants externes, sont particuliĂšrement bien positionnĂ©s pour dĂ©bloquer rapidement des situations difficiles car câest leur savoir-faire que dâĂ©tablir des relations de confiance productives. Permets-moi HervĂ© de complĂ©ter ton propos en Ă©voquant la dimension collective. En effet, la confiance de toutes les parties impliquĂ©es dans un projet de transformation est Ă©galement un facteur de succĂšs majeur. Avoir confiance dans lâintĂ©rĂȘt du projet, pour lâorganisation et pour soi-mĂȘme, avoir confiance dans la capacitĂ© et lâenvie des responsables Ă faire aboutir ces initiatives permettent de soulever des montagnes. Mais cette confiance, elle ne sâachĂšte pas⊠Elle nĂ©cessite la mise en place dâun dispositif dâaccompagnement du changement au sein duquel tous les acteurs du projet sont intĂ©grĂ©s. Jâinsisterai en particulier sur la dimension traumatisante du changement. Managers, je vous invite ardemment Ă prendre le temps de communiquer, expliquer, dĂ©dramatiser, rassurer vos Ă©quipes – et ce trĂšs en amont des projets. Vos collaborateurs ne doivent plus subir les transformations mais au contraire, se sentir missionnĂ©s pour en faire un succĂšs. Ne soyons pas naĂŻfs, il sera difficile, pour ne pas dire impossible dâembarquer 100% des individus. La stratĂ©gie des alliĂ©s doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e pour cibler intelligemment les efforts. NĂ©anmoins, je reste convaincu que ceux qui arrivent Ă initier ce type de dynamique positive provoquent une dĂ©marche dâauto-investissement des Ă©quipes qui sâapproprient la responsabilitĂ© de la rĂ©ussite du projet, et y contribuent donc naturellement au quotidien. Avec la carotte, mais sans le fouet ! Est-ce Ă dire que si tous les Ă©lĂ©ments dont nous venons de parler sont activĂ©s, la rĂ©ussite du projet est garantie ? En ce qui me concerne, je crois quâil faut toujours garder Ă lâesprit la nĂ©cessitĂ© de crĂ©er de la valeur. Je prends lâexemple vĂ©cu dâun projet de remplacement dâun ERP, souvent un grand projet Ă lâĂ©chelle de lâentreprise. A t0, le sponsor indique quâil sera ferme et intransigeant sur des Ă©lĂ©ments comme le dĂ©lai, le budget car ils sous-tendent la profitabilitĂ© du projet. Un an plus tard, le mĂȘme sponsor tient un discours trĂšs diffĂ©rent : nous sommes trop prĂšs du but pour renoncer, cela coĂ»tera ce que cela doit coĂ»ter. Quâest-ce qui peut pousser un dĂ©cideur Ă changer radicalement dâavis comme cela ? Bonne ou mauvaise, jâespĂšre seulement que la raison en est dictĂ©e par la prĂ©servation de lâĂ©quation de valeur. Pour faire simple la prĂ©servation du R.O.I. de ce projet. Car je suis convaincu que la crĂ©ation de valeur passe par des arbitrages qui peuvent consister Ă arrĂȘter des projets dont la proposition de valeur nâest plus assurĂ©e afin de rĂ©investir et les Ă©nergies et les moyens oĂč il y a de la valeur Ă crĂ©er. Quâen penses-tu ? Le renoncement est en effet un discours que lâon entend rarement, probablement plus pour des raisons dâego que pour lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâentreprise. Je suis personnellement trĂšs attachĂ© Ă regarder les sujets de transformation en mode « startup ». LâĂ©chec doit permettre dâapprendre pour mieux rebondir et rĂ©orienter les initiatives Ă bon escient plutĂŽt que de servir Ă sanctionner les coupables, et faire sortir par le haut ceux qui ne font rien, voire mĂȘme parfois sabotent les projets et stimulent lâinertie pour dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts personnels. Je suis volontairement provocateur sur ce sujet car la dimension politique gangrĂšne trop souvent les grandes organisations, ce qui les conduit Ă faire les mauvais choix pour les mauvaises raisons. Cela nâest malheureusement que trop rarement dĂ©noncĂ©, par complaisance ou par manque de courage. Et en tant que consultant externe, qui plus est indĂ©pendant, jâestime quâil est de mon devoir dâaider mes clients Ă lutter contre ces courants nĂ©gatifs et toujours considĂ©rer lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâorganisation. Parce quâau final, toute transformation doit nĂ©cessairement avoir lâambition dâapporter de la valeur Ă lâentreprise – pas forcĂ©ment uniquement Ă©conomique dâailleurs. Je terminerai mon propos en rappelant quâen prĂ©requis de toute initiative de transformation, il est indispensable de se poser la question de la proposition de valeur et, Ă nouveau, de lâexpliquer au plus grand nombre par une communication adaptĂ©e. Merci Ludovic, Ă la prochaine ! Merci HervĂ©, Ă bientĂŽt !
[Conversation enregistrée le 09.02.2021]